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lundi 19 août 2013

POURQUOI EMBRASSE-T-ON AVEC LA LANGUE ? ... AVEC LA LANGUE, ET EN PLUS EN PUBLIC ? 2ème PARTIE

 SUITE 2

Des couples s'embrassant à Séoul, en 2007 lors d'un événement pour participer à une publicité pour des vitamines. REUTERS/Lee Jung-MinPourquoi sur la bouche?

Mais pourquoi les bouchent s’attirent-elles? D’où vient cette tradition quasi universelle? Est-ce un réflexe ou un conditionnement social?
Une remarque en préambule: le baiser sur la bouche, lorsque celle-ci reste fermée, n’est pas forcément de caractère intime, comme peut en témoigner la tradition russe qui semble toutefois se perdre.

Le baiser fait babiller. Les forums de discussion entre femmes abondent de questions et remarques en la matière, mais ils se contentent souvent d’insister sur le caractère sensuel (voire essentiel) du baiser sur la bouche pour cimenter le couple. (Il produit toute une série d’effets positifs.) Mais cela ne nous dit pas pourquoi, «à la base», nous nous embrassons sur la bouche.

Au début des années 2000, le Dr Helen Fisher, anthropologue à l’Université Rutgers (New Jersey) s’est en particulier intéressée à l’aspect neuropsychologique et «chimique» du baiser sur la bouche. Elle explique que de nombreuses zones du cerveau s’activent lorsque la bouche et la langue sont stimulées. En revanche, le cerveau réagit peu aux signaux envoyés dans le dos, par exemple. Les scientifiques ont enregistré des cas de personnes ayant été poignardées dans le dos sans même s’en rendre compte.

Une théorie veut que le baiser, désigné par le terme «osculation» chez les scientifiques, découle de la pratique des premières femmes, qui mâchaient les aliments pour leurs enfants, avant de les leur distribuer de bouche à bouche.
Helen Fisher n’y adhère pas, estimant que l’objectif premier du baiser sur la bouche est de choisir le bon partenaire.

Ce qui, selon l’anthropologue, est d’ailleurs vrai pour certains animaux qui pratiquent une certaine forme de bouche-à-bouche: les oiseaux qui se picotent le bec, les éléphants qui enlacent leurs trompes et l’introduisent parfois dans la bouche de leur partenaire ou encore les bonobos qui ont leur propre façon de s’embrasser sur la bouche avec la langue.

En 2008, Susan M. Hughes, chercheuse en psychologie à l’Albright College de Pennsylvanie, entourée d’un groupe de scientifiques, a mené une étude sur le sujet. Son équipe a réalisé des entretiens détaillés auprès d’un millier d’étudiants pour tenter d’éclaircir les mystères du contact labial. Il convient de noter que cette étude s’appuie sur des éléments déclaratifs et non une méthode expérimentale.

Trois hypothèses

Les chercheurs ont formulé trois hypothèses:
  • 1) Embrasser son partenaire sur la bouche, sentir son haleine, sa salive, est un moyen de le tester, de collecter des informations (chimiques et biologiques) à son sujet;
  •  2) Le baiser sur la bouche permet d’établir un lien fort
  • 3) S’embrasser sur la bouche a pour fonction d’amener l’état d’excitation sexuelle précédant un rapport.
Ces hypothèses se sont toutes vérifiées, avec ces quelques compléments d’informations. Les femmes seraient plus sensibles que les hommes au goût et à l’odeur de la personne qu’elles embrassent. Susan M. Hughes l’assure:
«Les femmes se servent clairement du baiser pour jauger leur compagnon. S’il les embrasse mal, elles refuseront de faire l’amour. Car le baiser est riche en informations.»
Contrairement aux femmes, les hommes ont dit apprécier davantage les baisers appuyés, avec un important échange de salive, ce qui a surpris les chercheurs.

90% de l’humanité

Dans l’immense majorité des cultures, on s’embrasse sur la bouche
Et la minorité?, me demanderez-vous. Eh bien, certains peuples se soufflent à la figure ou se frottent le nez ou les joues pour remplir la même fonction.

Un avis sur le livre de Corinne Hofmann, La Massaï blanche, m’apprend que, chez les Massaïs, par exemple, «l’acte d’amour (...) est d’une brièveté déconcertante sans caresses ni baisers; d’ailleurs, ils n’embrassent pas, la bouche servant uniquement à manger. Les cheveux et le visage sont également tabous». 
Peut-on dire que c’est généralement naturel ou, tout du moins, «généralement socialement naturel»? Au même titre qu’il serait «socialement naturel», pour une immense majorité d’hommes et de femmes, de s’habiller.

La  comparaison est audacieuse, car le baiser est un comportement de l’humain, quelque chose qui lui appartient pour ainsi dire, intrinsèquement, tandis que le vêtement est un objet extérieur que l’homme s’est approprié pour différentes raisons.

Dans cette perspective, on peut dire que le baiser est un langage corporel. Et le fait que 90% des humains s’embrassent sur la bouche n’est pas incompatible avec son éventuel caractère «culturel». Puisque les gestes de l’homme varient d’un continent à l’autre et, plus proche encore, d’un pays à l’autre.
(Nous, Européens, pouvons prendre le dodelinement de tête des Indiens pour un «non» ou un «oui, mais bof». Ou carrément pour une réponse à faire perdre la tête
- A voir absolument!
- Descendre jusqu’à la photo.)

Dans l’Antiquité déjà, on s’embrassait sur la bouche (pour rappel, Helen Fisher évoque une possible origine préhistorique, mais à laquelle elle ne croit pas). Autant dire que cette pratique ne date pas d’hier…
Nous voilà un peu plus avancés sur le contact labio-lingual chez l’homme. Par ailleurs, à défaut d’être des théoriciens de la question, les Français semblent être de réguliers praticiens du baiser sur la bouche avec la langue.
Mieux encore, ils en sont peut-être les inventeurs! Ce n’est sûrement pas par hasard qu’on l’appelle le french kiss.
Micha Cziffra
*Ultime point de langue
Je ne peux m’empêcher de préciser –(dé)formation professionnelle en tant que traducteur. En 1954, Brassens utilise «pathétique» dans son sens premier: «qui (…) excite une émotion intense; émouvant, poignant» (Source: Le nouveau Petit Robert de la langue française, 2009).

Dans son sens moderne, désormais véhiculé presque quotidien et calqué sur l’anglais (un peu comme l’expression «c’est juste énorme/génial»), «pathétique» aurait pour synonyme «pitoyable», «minable».
Aujourd’hui, quelqu’un qui qualifie un discours de «pathétique» le trouve «nul», sans être particulièrement ému ou touché par celui-ci. Cette acception n’est pourtant répertoriée dans aucun des principaux dictionnaires français.
Encore une preuve que, chez les hommes, la langue bouge.
http://love-et-sexe.blogspot.com/2013/08/pourquoi-embrasse-t-on-avec-la-langue.html

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